Les Chroniques de Mica
22 mai, mémoire martiniquaise sur la route vauclinoise
Mai 2025
Aujourd’hui, jeudi 22 mai 2025, prenons un temps pour le souvenir.
Un temps pour écouter les voix du passé et les échos de la terre.
En Martinique, ce jour n’est pas un simple repère sur un calendrier.
Il est mémoire vive, conquête, cri de liberté.
Le 22 mai 1848, ce sont les esclaves eux-mêmes qui prennent leur sort en main.
À Saint-Pierre, ils se soulèvent. Le feu gagne les plantations. La révolte devient inarrêtable. La lente application du décret d’abolition de l’esclavage, signé à Paris le 27 avril, leur est devenu insupportable.
Face à cette insurrection, le gouverneur Rostoland n’a plus le choix : sans attendre l’arrivée officielle du décret, il proclame l’abolition le 23 mai.
Mais, dans le réel… c’est bien le 22 que le peuple s’est libéré.
C’est ce jour-là que la liberté a été arrachée, non accordée.
Depuis, le 22 mai est reconnu comme le jour où la liberté a été conquise par le peuple, une date fondatrice de l’histoire martiniquaise contemporaine.
Et c’est pour cela qu’on s’en souvient aujourd’hui.
En ce 22 mai 2025, comme chaque année, nous honorons la mémoire de nos ancêtres martiniquaises et martiniquais aux racines plurielles.
Des racines de résistances.
Les miennes se situent au sud-est de la Martinique.
Je vous invite à une promenade mémorielle, en direction du Vauclin.
Un lieu porteur d’une mémoire profonde, encore trop discret dans les livres d’histoire.
Oui, comme tant d’autres, me diras-tu…
Justement. Il est temps d’y remédier.
Avant tout, rappelons-le : la Martinique était peuplée d’Amérindiens de la Caraïbe, les Kalinagos. Au Vauclin, ils se regroupèrent pour former le dernier bastion de résistance face aux colonisateurs.
Ils ont combattu, farouchement, jusqu’à être repoussés, effacés, presque oubliés.
Mais leurs esprits, leurs noms, leurs combats restent ancrés dans cette terre.
En décembre 1795, un autre fait marque l’histoire du Vauclin :
Des Noirs libres venus de Sainte-Lucie débarquent au Vauclin pour tenter de libérer les esclaves.
L’action échoue.
Mais le message est fort :
La solidarité caribéenne, la volonté de briser les chaînes, était déjà là.
Et comme un fil rouge de résistance, cette forte terre du Vauclin va donner naissance à une petite fille qui deviendra un symbole.
Sa mère Marie Sophie dite Zulma, ancienne esclave libérée, donne naissance à une enfant.
Elle s’appelle Marie-Philomène Roptus.
Mais toi aussi tu la connais. Tout le monde la connaît.
Elle portera plus tard le nom de Lumina Sophie.
Parfois même, on l’appelait simplement : Surprise.
Un surnom qu’elle porte bien devant l’ennemi.
C’est une femme instruite, lucide, révoltée par les injustices que subissent encore les Noirs, bien après l’abolition..
À 21 ans, en 1870, elle devient l’âme de l’insurrection du Sud. Avec son groupe de femmes, les fameuses « pétroleuses », elle mène la lutte contre les abus des Békés, et met le feu aux injustices.
Mais l’ordre colonial la rattrape. Elle est arrêtée, déportée au bagne de Guyane, où elle mourra dans le silence.
Aujourd’hui, son nom résonne plus fort que jamais.
Lumina. Surprise. Résistante.
Alors oui, ce 22 mai, on se souvient.
De la révolte. De la conquête.
Des ancêtres debout.
Des territoires qui parlent encore.
Des femmes qui n’ont pas plié.
Du Vauclin à Saint-Pierre, des Kalinagos à Lumina Sophie,
Ce jour est notre héritage.
Ce jour est notre force.
Ce jour est un appel.
Gardons notre cœur, notre mémoire, et notre tête libre.
N’oublions pas,
Mais
Avançons
Tjenbé rèd, pa moli
Marie-Michaël Manquat / Katjopine éko


L’esclavage demeure une triste réalité! Coll. Bureau du Patrimoine, Martinique. CI. P. Giraud
Evocations de la période esclavagiste. Brochure Bureau du Patrimoine, Martinique.
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